Ganiou Soglo juge la libération des espaces publics, l’opération la plus controversée sous la gouvernance de Patrice Talon.
Pour Ganiou Soglo, l’une des opérations controversées sous la gouvernance Talon est la libération des espaces publics. Plusieurs années après le démarrage de cette opération, les souvenirs sont encore vivaces dans les esprits. Elle a contribué à la disparition des petits commerces, regrette l’ancien patron des sports béninois.
Ganiou Soglo appelle désormais de tout son vœu le gouvernement Talon à mieux situer la responsabilité dans cette controverse qui a ruiné selon lui, des milliers de nos compatriotes.
Déclaration de Ganiou Soglo
Libération des espaces publics et les questions qui s’imposent
J’ai des collaborateurs qui travaillent avec moi et qui sont de confession chrétienne. Ces collègues, qui sont également des amis, conféraient au groupe une saveur particulière durant le mois d’avril. En effet, ce mois coïncidait avec le jeûne chrétien, et mes amis pratiquaient ce qu’ils appelaient le « jeûne intégral », se nourrissant d’un seul repas quotidien pendant les 40 jours que dure le carême.
Pour rompre ce jeûne, ils se procuraient des beignets de farine de blé, saupoudrés de sucre en poudre, communément appelés « Doko ». Pour que le repas soit complet, nous les accompagnions de bouillie de maïs, ou parfois de tapioca. De temps en temps, pour varier, nous dégustions ce que nous appelons chez nous « Ata et Tevi », à savoir des beignets de haricot et des frites d’igname, un tubercule que l’on trouve dans les régions tropicales et équatoriales d’Afrique et du continent sud-américain. Ces petits délices sont vendus en bord de route dans divers quartiers de Cotonou. Aujourd’hui, bon nombre de ces femmes ont dû déplacer leur commerce.
Ces moments, qui étaient véritablement conviviaux, empreints de partage et d’une amitié sincère, ne sont malheureusement plus les mêmes aujourd’hui, car les vendeuses se sont dispersées dans la ville.
A cet égard, je considère que l’une des opérations controversées sous la gouvernance TALON est la libération des espaces publics. On ne peut aborder les hauts faits d’armes de ce pouvoir qui tire à sa fin sans le souligner. Lancée le 04 janvier 2017, cette vaste opération de déguerpissement des espaces publics dans plusieurs grandes villes du Bénin a suscité de nombreuses critiques et débats, exacerbant la crise socio- économique dans le pays. Tel un champ de ruine, les souvenirs de cette opération sont encore vivaces dans les esprits. Les séquelles sont encore là en particulier chez ces petites commerçantes qui se sont installées grâce aux microcrédits ou aux prêts à taux usuriers. Même les travaux d’asphaltage qui s’en sont suivies n’ont pas réussi à effacer ces mauvais souvenirs. Secret de polichinelle, l’espace public reste la propriété inaliénable de l’Etat et ne peut être occuper qu’avec son consentement. Mais ‘’la nature a horreur du vide’’ reste un dicton populaire admis par tous. De ceci, si l’Etat avait aménagé ces espaces avec les infrastructures indiquées (routes avec trottoirs, espaces verts), ils n’auraient pas été aussi facilement occupés donnant aux populations le réflexe d’être dans la jouissance d’un droit.
Il est un fait avéré que six ans après la destruction de ces commerces et entreprises dont les sièges ont acquis une légitimité par les patentes que les différentes mairies perçoivent chez eux, sont toujours à la traine et se voit obliger de revenir sur leurs anciens emplacements. Les nouveaux marchés qui leur avaient été promis sont certes construits mais leur intégration est remise aux calendes grecques. On pourra objecter que pour construire les nouveaux marchés, les femmes ont été installées temporairement sur des sites provisoires. Cependant, il est de notoriété publique que dans de nombreuses villes, ces commerçants n’ont pu rejoindre ces installations de fortunes pour diverses raisons.
A titre illustratif, le site Dowa devant abriter les dames du marché Ouando (le plus grand marché de Porto Novo et de l’Ouémé) reste désert. Par ailleurs la construction du marché Ouando piétine. Dans plusieurs autres villes, le constat est le même. Outre leur mauvaise répartition, la petitesse, l’inadéquation au modèle béninois traditionnel (marché à ciel ouvert), on déplore le coût élevé des places. Les nombreuses difficultés à trouver un modèle de gestion efficace retardent aussi l’ouverture de ces installations marchandes.
Malgré ce tableau, le gouvernement en place au leu d’agir directement pour atténuer les souffrances des populations déjà meurtries par la crise économique, a cette fois-ci passé par les mairies pour lancer au mois de septembre une nouvelle vague de casses. Cela a provoqué de nouvelles larmes ! L’onde choc a été d’autant plus grande que les pertes sont considérables.
En conséquence, il est impératif de se poser certaines questions : Où étaient les services marchands et techniques des mairies quand les occupants s’installaient ? Pourquoi procéder par des casses et la force ? Où était l’Etat central quand les mairies budgétisent et collectent des taxes chez ceux qu’il qualifie d’occupants illégaux des espaces publics ? Patrice TALON peut-il demander aux mairies de rembourser ces victimes qui auparavant avait payer les mairies pour les espaces qu’elles occupaient ? Ce retour pourrait les aider à relancer leur commerce ailleurs. A quand l’ouverture des marchés et est-on sûr que la vendeuse de doko ou de tomates de bas niveau pourrait retrouver une place abordable ?
Pendant ce compte à rebours, il est important d’en avoir des réponses pour mieux situer la responsabilité du gouvernement TALON dans cette controverse.
Chers amis, bonne semaine à tous.
Ganiou SOGLO